C’est au tour des ouvriers de l’usine Paillard d’entamer leur pause de midi. Parmi eux, ils sont sept apprentis à détacher le cadenas de leur vélo. Sept apprentis-mécaniciens en mécanique générale. Ils sont jeunes, viennent de commencer leur apprentissage, ils ne comptent pas encore chaque minute. Aujourd’hui c’était cours de limage, alors toute la matinée ils ont limé une pièce et cet après-midi ils continueront de limer jusqu’à ce que le geste devienne parfait et que la pièce ne présente aucun défaut, sans quoi le maître d’apprentissage dira de recommencer. Mais pour l’instant, c’est la pause de midi, qui commence à 12h03. Ce qu’on appelle la pause de midi ne vaut que pour ceux qui travaillent dans les bureaux et qui sont déjà sortis il y a trois minutes. Pour les autres, les ouvriers, les ouvrières, les apprentis, la pause ne commence qu’à 12h03 afin, dit-on, de réguler le flux des voitures et des vélos, et d’éviter les bouchons. Dans les années 60 à Yverdon-les-Bains, on dit qu’il y avait des files de vélos sur les grands axes de la ville à la sortie des usines : les ouvriers de Leclanché à l’avenue de Grandson, les ouvriers des Ateliers CFF à la rue des Cygnes et, donc, dès 12h03, les ouvriers des usines Paillard à l’avenue des Sports.
Ce texte de Romain Buffat a été publié le 28 octobre 2020 dans la Région.