Eté en Toscane. Mon épouse, notre garçon et moi avons loué une maison pour un mois que nous partageons avec une autre petite famille. Chaque jour, vers 14h, tout le monde plonge dans la sieste. Moi, chaque jour, je m’empare de La Horde du Contrevent, d’Alain Damasio, et je me poste sur un transat. Au loin, la Toscane pelée par la sécheresse. Et le vent qui balaie les allées de cyprès. Je suis ébloui, émerveillé par Alain Damasio. Au XXI e siècle, alors que le genre est tellement balisé, l’écrivain français invente une épopée complètement originale. Un monde passionnant parcouru par des héros étonnants. Chaque jour, pendant une heure, je marche au côté de la horde. Mais une heure par jour, ce n’est pas assez. Dès que j’ai un moment à la plage, le matin pendant que la maison dort encore, le soir quand tout le monde a glissé dans les bras de Morphée, j’avance et j’avance encore. Je galope tant et si bien qu’au bout de trois semaines, j’arrive à la page zéro (oui, la pagination de ce roman hors du commun est inversée). Encore sous le coup de l’admiration, je repose le bouquin sur la tablette, près du transat. J’entends un bruit de pages. De pages qui se tournent très vite. Sourcils froncés, je me tourne pour découvrir... le vent en train de souffler sur le roman. Il tourne les pages, s’arrête, referme le livre, parcourt le premier chapitre, puis semble chercher une info quelques dizaines de pages en arrière. J’attrape mon smartphone pour immortaliser le vent en train de lire La Horde du Contrevent. Tandis que j’écris ces lignes, je découvre le commentaire d’un éditeur genevois posté sur un réseau social : « La Horde du Contrevent m’a dévoré. Je sors exsangue de cette aventure sensorielle, mais béat. Un texte monumental. » Les lecteurs francophones se divisent en deux catégories : ceux qui connaissent La Horde et ceux qui doivent absolument la découvrir.
Ce texte d'Eugène a été publié le 17 mars 2023 dans La Région.