Situation de départ : je suis enseignant à l’Institut littéraire suisse, à Bienne. J’anime des ateliers d’écriture.
Décor : une belle villa style JugendStill, c’est-à-dire Art Nouveau.
Début du récit : l’enseignant propose à ses six nouveaux étudiants de lire quelques livres durant le semestre, histoire de voir comment font les auteurs contemporains pour écrire des nouvelles, des romans. Comme premier texte, l’enseignant propose Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part, d’Anna Gavalda.
Péripétie : refus catégorique de Thomas, étudiant en première année. « Franchement, le livre est trop naze. »
Soupir de l’enseignant : « Essaie déjà d’écrire une nouvelle, pense-t-il. Essaie déjà de terminer un recueil de nouvelles, puis trouve un éditeur, avant de juger les autres. »
Résolution du conflit : la semaine suivante, Thomas, débarque à l’atelier d’écriture en racontant : « Comme je ne voulais pas acheter d’Anna Gavalda, j’ai demandé à une copine en France qui l’avait dans sa biblio de me le poster. » Réaction : l’enseignant éclate de rire face à une telle obstination.
Epilogue : quatre ans plus tard, Thomas publie son premier roman, Ostwald, aux éditions de l’Olivier à Paris. Puis il sort Les Nuits d’été en 2020, grand succès critique et public.
Oui, vous l’avez deviné. Thomas, c’est Thomas Flahaut. Total respect.
Ce texte d'Eugène a été publié le 3 février 2023 dans La Région.