Un des romans les plus forts que j’ai eu le bonheur de traverser est Le Grand Cahier d’Agota Kristof. Sans doute parce que l’autrice utilise une langue simple pour raconter des épisodes effroyables. Une langue sans métaphores est insupportable.
En refermant le roman, je découvre qu’il fait partie d’une trilogie. J’achète la suite : La preuve. Nous sommes en 1998 ; une nouvelle copine entre dans ma vie. Il se trouve qu’elle adore la lecture. Elle me demande ce que je lis en ce moment. Je lui parle du Grand Cahier. Elle ne le lit pas, elle le dévore en deux jours. Ensuite, elle n’a qu’une idée en tête : continuer avec La preuve. Oui, mais moi, j’en suis à la page 65 seulement. Je ne vais pas le lâcher maintenant. Même si je suis très amoureux. Mon amie refuse d’acheter un autre exemplaire. Je la comprends : on ne va pas se retrouver sur le canapé, avec le même livre de poche à la main.
Mon amoureuse invente la solution : elle se colle à moi et commence mon roman. Pendant qu’en j’en suis à la page 76, elle tourne la page 15. C’est de l’équilibrisme. Chacun ouvre sa partie pour lire sans trop déranger l’autre. Rapidement, on réalise qu’elle lit plus vite que moi. Elle me rattrape vers la page 100. Alors, nous intervertissons nos places. Puis nous continuons.
La preuve que nous sommes vraiment TRES amoureux.
Ce texte d'Eugène a été publié le 13 janvier 2023 dans La Région.