Ah, le printemps avec ses fleurs colorées, ses papillons voltigeant à travers les airs, ses petits agneaux gambadant dans les prés… Tout cela nous met d’humeur poétique et explique le choix de notre livre d’aujourd’hui : les Poésies helvétiennes du Vaudois Philippe Sirice Bridel, publié à Lausanne en 1782. Bridel accordait une grande importance à la création d’une « poésie nationale » suisse qui mettrait en valeur le pays, le rendant plus intéressant pour ses habitants et donnant envie aux étrangers de le visiter. Les personnages de ses odes sont « des êtres libres, pauvres mais tranquilles et sages » qui évoluent dans les vallées des Alpes ou au bord du lac Léman. A l’époque de Bridel, plusieurs auteurs alémaniques avaient rédigé ce genre de poésie louant les qualités de la Suisse, mais très peu de romands. Bridel avait donc à cœur de remplir cette lacune avec des œuvres telles que « Le lac Léman », « Le vieillard suisse » ou un récit de voyage dans les Alpes mêlant prose et vers. Certains des poèmes du recueil sont par ailleurs prévus pour être chantés. C’est le cas de « L’avalanche », composé sur l’air bien connu (au XVIIIe siècle) de « Edvin et Emma ». Malheureusement, malgré nos recherches, cette mélodie reste mystérieuse, ce qui ne nous empêche pas de savourer ce récit émouvant. « L’avalanche » raconte l’aventure d’Edwige et Ferdinand, un berger et une bergère unis par un amour fou. Hélas, un jour c’est le drame : alors que Ferdinand chasse un chamois dans la forêt, une avalanche ensevelit le chalet du couple, emprisonnant Edwige et leur bébé. Les efforts des villageois pour dégager le chalet restent vains. Seul Ferdinand poursuit ses recherches avec acharnement et parvient finalement à dégager la cheminée du chalet. Il se glisse à l’intérieur par le conduit et retrouve Edwige et leur fils sains et saufs, nourris grâce à une chèvre qui se trouvait avec eux. De braves paysans montagnards, de la neige, des chèvres : les ingrédients réunis ici par Bridel ne sont pas sans rappeler ceux que reprendra 100 ans plus tard Johanna Spyri dans l’histoire de Heidi, la plus suisse des héroïnes.