La gravure que nous avons dénichée aujourd’hui a dû faire copieusement soupirer son éditeur lors de la parution de la Collection des oiseaux les plus rares gravés et dessinés d’après nature. Cet ouvrage imprimé entre 1772 et 1774 est une version traduite et augmentée d’un livre de Jan Jonston datant 1657 qui rassemblait des informations sur des oiseaux du monde entier. Le texte était en latin, ce qui limitait son usage aux savants. La traduction du XVIIIe siècle se veut accessible aux curieux, amateurs, agriculteurs, chasseurs ou peintres. Page après page, on peut y lire les descriptions de dizaines d’oiseaux, leurs comportements et leurs noms en plusieurs langues. Puis arrive la dernière page de l’œuvre où un phénix côtoie une harpie et un griffon. Dans les textes accompagnant ces gravures inattendues transparait le dépit de l’éditeur de devoir faire figurer dans un ouvrage scientifique de tels animaux. La notice explique que Jonston a souhaité traiter de manière exhaustive son sujet, en y incluant les créatures fantastiques et leurs descriptions par les auteurs anciens. Du phénix, il est dit que l’on pourrait remplir un volume de toutes les absurdités que les auteurs ont laissées sur cet oiseau légendaire. Le passage concernant le griffon répète que l’un des textes antiques cités est rempli de mille absurdités. Et finalement, que penser de la présence parmi ces créatures mythologiques de l’oiseau en haut à gauche, dont on nous dit qu’il s’agit d’un pélican? Heureusement, ce n’est pas l’existence de cette espèce qui est remise en question, mais ses mœurs : selon la légende, cet oiseau porte un tel amour à ses petits qu’il se perce la poitrine pour les nourrir de son sang. « Mais c’est une pure fiction », nous rassure l’auteur.